Comment l’innovation doit s’adapter à toutes les étapes de l’avancée en âge ?
En connaissant finement les besoins des personnes concernées ! Les études consommateurs, le design thinking n’ont plus de secrets pour personnes. Il apparaît nécessaire, étant donné la complexité du public des personnes qui avancent en âge, d’embrasser la vaste étendue et surtout la diversité des besoins et des attentes. On dénombre pas moins de 9 profils de personnes âgées différents. C’est dire l’hétérogénéité de cette population qui représente bientôt 30% de la population Française. Pour Silver Valley , aucune innovation ne peut se développer sans passer les fourches caudines des usagers finaux, à savoir les séniors eux-mêmes qui participent au quotidien à nos recherches et nos tests faits avec les entrepreneurs sur des innovations qui les concernent directement. Ainsi, l’innovation dédiée à la longévité doit d’abord s’attarder sur « l’ajustement à l’avancée en âge ». Avant de brandir le chiffon rouge de la prévention et de la perte d’autonomie, la silver économie (filière dédiée à la réponse aux besoins de la transition démographique) doit envisager l’avancée en âge comme autant d’étapes où les besoins sont différents. L’innovation numérique peut dans un premier temps mobiliser la reconnaissance vocale – comme avec Google Home ou Alexa pour pallier les petites difficultés liées à la motricité fine pour des personnes atteintes de troubles modérés de la préhension par exemple. Il s’agit là d’un simple ajustement à l’avancée en âge. Dans un second temps, des plateformes de services numériques complexes peuvent servir de lien entre une personne âgée au domicile, une équipe de soignants et sa famille tout en proposant des activités adaptées à faire au domicile. Le parfait exemple est la tablette Ardoiz du Groupe La Poste qui peut s’adresser à une cible plus âgée, un peu plus fragilisée. Enfin, l’habitat domotique et adapté va permettre aux personnes les plus dépendantes de rester comme elles le souhaitent au domicile.

Qu’est-ce que cette période nous apprend sur la prise en main du numérique par les séniors ?
Les compétences numériques des personnes de plus de 60 ans ont largement évolué pendant ces deux confinements successifs et c’est une excellente nouvelle ! Il faut savoir que selon le baromètre du numérique du Credoc en 2019, près de 20% des personnes de 70 ans utilisent régulièrement un réseau social de type Facebook. Et ce chiffre ne fait qu’augmenter. Le numérique est un véritable levier pour le vieillissement actif et positif, en particulier Internet . Il permet de rester en lien – même si le numérique ne remplace en rien bien sûr de vraies relations humaines – il permet de se fournir en biens et services sans avoir à supporter la contrainte et le danger perçu dorénavant de se rendre dans un centre commercial. Mais surtout Internet permet d’accéder à l’infini à l’information, le divertissement, la culture etc. C’est un véritable palliatif en cette période de repli sanitaire et qui contribue à changer radicalement le rapport au vieillissement et ce, durablement.

Comment le numérique révolutionne concrètement le quotidien des seniors ?
S’informer, se fournir en bien et service, communiquer, lutter contre l’isolement… On l’a dit, le numérique répond à de très nombreux besoins pour les personnes qui avancent en âge. Mais là où un véritable changement de paradigme existe, c’est que les usages numériques ne concernent pas que les usages personnels. En effet, le numérique permet de résoudre des problèmes de santé publique pour lesquels jusqu’ici il n’existait pas de solutions. Par exemple, la non-observance des traitements médicamenteux coûterait plus de 9 milliards d’euros au système de santé par an selon l’IGAS. Avec des objets connectés comme un pilulier connectés ou un système d’alarme de prise médicamenteuse – on est en capacité de s’assurer qu’un traitement est pris. Idem pour la question de l’hydratation de la personne âgée. Une startup comme Auxivia a inventé un verre connecté qui permet de suivre l’hydratation, qui, on le sait, peut être à l’origine de réels problèmes de santé graves chez la personne âgée. Il en est de même avec la révolution de la E-Santé et de la Télémédecine qui va permettre de faire des économies d’échelle considérables pour le système de santé en rendant la consultation plus fluide et accessible à des publics jusqu’ici isolés.

Qu’est-ce que l’avenir nous réserve ?
Une société de la longévité connectée ! Pour se faire, il existe trois conditions sine qua non qui doivent être appréhendées par l’ensemble des acteurs, qu’ils soient publics, institutionnels et privés. Premièrement, c’est de s’assurer que l’ensemble des séniors aient un accès simple à internet et qu’ils savent l’utiliser. Selon les Petits Frères des Pauvres, on dénombre aujourd’hui encore 4 millions de personnes de plus de 60 ans totalement exclues du numérique. Il est donc indispensable de s’assurer que ce nombre diminue et que la connectivité du territoire est à égalité partout. Deuxièmement, il s’agit d’embarquer les professionnels du grand âge dans cette aventure numérique collective. Sans eux, le numérique ne sera pas accepté par les plus âgés d’entre nous qui sont aussi ceux qui en ont le plus besoin. Troisièmement, il apparaît aujourd’hui fondamental de renforcer l’interopérabilité au sein notamment du secteur médico-social et sanitaire. C’est-à-dire que si l’on veut renforcer l’innovation dans ce secteur, il faut que les startups numériques dédiées puissent s’arrimer aux systèmes existants afin de renforcer l’agilité et la diversification des services proposées. Le numérique est aujourd’hui un pilier de la société de la longévité et la crise sanitaire actuelle le prouve de façon évidente. Sans accès au numérique, sans innovation numérique, sans réponse aux besoins, sans objets connectés, sans formations… une rupture sociale risque de se faire, excluant alors les plus fragiles et les plus isolés d’entre nous. Il semble que cette vision de la société, personne ne la souhaite!